civilisation

Le Sud-ouest est une des régions les plus anciennement habitées de l'Amérique du Nord, et c'est aussi la région où les tribus gardent aujourd'hui le mieux leur personnalité. A l'époque où les Blancs y pénétrèrent, ils y rencontrèrent deux types de tribus indiennes : les unes de nomades, les autres de cultivateurs.

TRIBUS.

Les nomades étaient alors essentiellement de langues athabascan (ou athabasques), Apaches et Navajos (Navahos). Entraînés dès l'enfance à tous les exercices guerriers, ils réussirent à échapper à la domination espagnole et à résister ensuite des années durant aux troupes américaines. Finalement battus, ils se virent attribuer des réserves à la fin du XIXe siècle.

De guerriers, ils devinrent éleveurs, parcourant avec leurs troupeaux de moutons, en un semi-nomadisme, la portion de territoire vaste, mais en majorité désertique qui leur était impartie. La découverte de pétrole sur leur terre, richesse dont ils n'ont pas été spoliés, leur a permis d'amorcer une lutte contre leur misère, qui devenait dramatique. Très aptes à utiliser les possibilités économiques de la vie moderne, ils y voient la condition de leur survie et combinent pour l'heure l'exploitation de celles-ci et le maintien de traditions tribales.

Le groupe le plus prestigieux des cultivateurs, presque tous pacifiques et qui furent longtemps la cible des nomades, est celui des Pueblos. Cette civilisation, d'après les archéologues, remonte au VIIIe siècle. (L'appellation de pueblo vient des Espagnols. Lorsqu'au milieu du XVIe siècle leurs premières expéditions, dont celle de Coronado à la recherche d'imaginaires « villes d'or », atteignirent la région, ceux-ci désignèrent ainsi les premiers véritables villages qu'ils rencontrèrent.) On distingue les Pueblos de l'Est, c'est-à-dire en gros ceux du Rio Grande, et ceux de l'Ouest, en particulier les Zunis et les Hopis.

Les Hopis ont maintenu au cours des siècles et jusqu'à aujourd'hui un étonnant isolationnisme, qui leur a permis de conserver les formes politiques, sociales et religieuses de leur culture originelle. Les quartiers généraux des Espagnols étaient établis au Rio Grande. Les Hopis étaient bien retranchés dans leurs villages à mi-hauteur ou au sommet des mesas, ces falaises qui surplombent le désert. Après un premier contact meurtrier, la présence de l'armée fut pour eux peu sensible. En revanche, celle des missionnaires espagnols était oppressante. Le travail forcé, et en particulier celui qui était consacré à l'édification d'églises, était mal supporté. Les Hopis participèrent à une importante révolte en 1680, ourdie en secret par tous les Pueblos, de l'Est comme de l'Ouest : en une seule nuit, les prêtres furent massacrés et les églises brûlées. Les missionnaires devaient revenir chez les Pueblos du Rio Grande, où se produisit un syncrétisme religieux et où certains rites traditionnels devinrent clandestins. Ils ne réussirent ni chez les Zunis ni chez les Hopis. Ces derniers furent encore les moins touchés par l'occupation mexicaine, qui prit le relais de l'occupation espagnole.

Les Américains usèrent peu de la force armée à l'égard des pacifiques Pueblos. Ils avaient d'autres moyens de pression. La résistance des Hopis, souvent passive, fut toujours obstinée. La tentative d'application du décret d'allotissement fut sabotée. L'établissement d'écoles sur le territoire des Hopis ne fut finalement accepté que pour autant que la connaissance de la langue des Blancs était considérée comme un moyen de défense. Mais les Hopis conservèrent leur langue —qui appartient au groupe shoshone, de la famille uto-aztèque —, et aucun édifice cultuel des diverses sectes religieuses n'arriva à s'installer dans les villages. Des projets gouvernementaux tendant à améliorer l'existence matérielle de la population furent repoussés. Les Hopis craignaient de ne pouvoir faire face aux charges financières afférentes et de se voir, en conséquence, expropriés de leur terre, terre convoitée, pensaient-ils, par les Blancs pour son sous-sol. Toute proposition des Blancs était suspectée d'être une manœuvre. Les Hopis tinrent aussi et surtout à leur terre parce qu'elle était ancestrale. La réserve des Hopis fut établie en 1882; réduite de plus de la moitié en 1936, elle fut entourée d'une zone dont l'usufruit est à partager, depuis 1962, avec leurs voisins et ennemis, les Navahos. Mais ces divers découpages furent effectués sur la terre d'origine.

Les Hopis gardent jusqu'à ce jour l'essentiel, leurs champs, dont la propriété est restée clanique, et leurs villages. Pour la majorité de la population, l'économie demeure fondée sur la culture principale du maïs, à laquelle est venu s'adjoindre l'élevage de quelques moutons. Les villages, où la résidence est toujours matrilocale (ce qui correspond à une matrilinéarité), dépendent toujours de chefs relevant du clan et dont l'autorité est peu entamée par celle, toute relative, du « collaborateur », conseil de tribu suscité par le Bureau des Affaires Indiennes. Si les Hopis ont désormais droit à la citoyenneté américaine, ils jouissent sur la réserve de droits spéciaux, y compris de celui d'être maîtres chez eux. De nouveaux villages ont commencé à s'établir en bas des mesas. Mais presque tous les villages du haut, excepté Old Oraibi, aujourd'hui en déclin, conservent leur organisation traditionnelle.
Les Hopis gardent surtout, obstinément préservé, le cycle de leurs fêtes, lesquelles mêlent, à des degrés divers, fins religieuses et fins de divertissement. A partir du solstice d'hiver et jusqu'en juillet, les ancêtres mythiques (kachina) des Hopis reviennent parmi les leurs sous la forme de danseurs masqués. A la fin de l'été ont lieu les fêtes des confréries des Serpents et des Antilopes ainsi que celles des Flûtes, par années alternées selon les villages. En automne, c'est au tour des sociétés de femmes de se manifester, également par années alternées selon les villages. En novembre, la fête du wowochim, avec l'allumage du feu nouveau, prépare la fête solsticiale du soyal, en même temps qu'elle assure tous les quatre ans l'initiation tribale pour les hommes. De temps à autre ont lieu des danses dites « de société » comme celles du Papillon ou du Bison.

Toutes les grandes fêtes qui se déroulent dans les villages traditionnels demeurent parfaitement authentiques. La présence de spectateurs blancs admis à la partie publique de certaines de ces fêtes n'a en rien altéré celles-ci. La masse des spectateurs blancs passe d'ailleurs dans les villages en été, et les Hopis se retrouvent entre eux dès après la danse des Serpents. Le mamjrau, par exemple, a des danses caricaturales beaucoup moins connues que les intermèdes comiques des danses kachina, bien qu'elles soient d'un extraordinaire sens théâtral. Au reste, les Hopis savent garder leurs secrets. La place du village où se déroulent de nombreuses danses est plus ou moins ouverte à tout le monde, mais les salles souterraines (kiva) où s'exécutent aussi des rites plus secrets sont d'accès généralement réservé aux seuls initiés. Certains sanctuaires sont cachés. Lors de l'initiation tribale du wowochim, les chemins du village sont barrés pendant une nuit et interdits à tout individu venant de l'extérieur; le village est alors lui-même coupé en deux moitiés, l'une où se rassemblent les habitants, l'autre livrée aux morts, qui reviennent à cette occasion et dont nul ne sait ce qu'ils font, outre de consommer les repas qui leur ont été préparés. La fête du soyal, la plus secrète de toutes, n'a pas de manifestations sur la place du village. Il y a un ésotérisme fondamental. Et bien des significations demeurent encore impénétrables, bien qu'on puisse dire qu'à travers toutes leurs fêtes les Hopis s'adressent inlassablement aux nuages et au Soleil.

Au terme de la longue résistance indienne de l'Amérique du Nord, on ne trouve plus que quelques tribus demeurées elles-mêmes. La population, après avoir été décimée, croît de nouveau, mais la majorité des Indiens sont — bien ou mal — intégrés à « american way of life », au mode de vie blanc. Leur vie traditionnelle ne nous est plus connue que par des relations anciennes et un corpus mythique.

Source : Encyclopédie Larousse

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