CORTES ⑴

Conquérant espagnol du Mexique (Medellin 1485 - Castilleja de la Cuesta, près de Séville, 1547).

Cortès
Hernan Cortes entrant dans Tlaxcala en 1520
Colomb avait ouvert la voie d'un monde nouveau, mais il avait échoué dans la quête de l'or, qui était l'un de ses grands objectifs; un autre de ses buts, la conquête des âmes, sera de courte durée, puisque les Antillais disparaîtront à peu près complètement après l'occupation de leurs îles par les chrétiens. Cortés, lui, trouvera de l'or en quantité appréciable et des âmes nombreuses à sauver dans cette immense Terre-Ferme qui barre le chemin de l'Orient et que Colomb aurait tant voulu percer lors de son dernier voyage. Mais lui aussi, malgré son œuvre qui égale presque celle du Découvreur, sera la victime d'une certaine disgrâce : ses conquêtes ne suffiront pas non plus à répondre aux immenses besoins de son souverain; d'autres conquistadores devront chercher plus loin encore de quoi nourrir la grandeur de l'Espagne.

Une longue maturation
De petit noblesse campagnarde, le futur conquistador commence à quatorze ans de bonnes études à la grande université de Salamanque. Rebuté par certaines matières, sans doute incapable de faire bonne figure parmi ses camarades plus fortunés, turbulent et agité, il se tourne vers le métier des armes et fait ses classes dans la redoutable infanterie espagnole. Mais les « Indes » ont plus d'attrait que les champs de bataille d'Italie, et le jeune homme cherche vite à s'embarquer sur la mer océane. Arrivé à l'île d'Hispaniola (Haïti) en 1504, il y obtient, en vertu du système du « repartimiento », une concession de terre et les Indiens nécessaires pour la travailler. Dès lors, son existence se partage entre des intrigues amoureuses (qui lui valent, de la part de jaloux, les balafres de son visage) et les expéditions dans l'intérieur de l'île pour réduire les révoltes des Indiens. En 1511, il participe à la conquête de Cuba, secondant le gouverneur de l'île, Diego Velàzquez. Une rivalité implacable se développe bientôt entre les deux hommes, et Cortés prend la tête d'une cabale de mécontents, ce qui lui vaut plusieurs arrestations; il s'évade chaque fois, se réconcilie avec Velàzquez et se retrouve finalement « alcade » de Santiago de Baracoa.

L'expédition vers la Terre-Ferme.

Entre-temps, des expéditions vers la Terre-Ferme, parfois tragiques, ont montré que l'or n'y est pas rare. Il est temps pour Cortés de se faire « conquistador » : son sens aigu des réalités l'a peut-être porté à attendre que ses prédécesseurs « essuient les plâtres » avant de se lancer dans une entreprise hérissée certainement d'immenses difficultés. De nouvelles intrigues lui valent le commandement d'une expédition : la fortune qu'il a commencé à édifier va servir à la commanditer en grande partie.
Malgré Velâzquez, qui cherche à lui enlever au dernier moment la responsabilité de l'entreprise, Cortés quitte Santiago de Cuba le 18 novembre 1518, complète son approvisionnement à Trinidad, sur la côte sud de l'île, et part pour le Yucatân le 18 février 1519, avec 11 navires, 508 soldats, 10 canons de bronze et surtout 16 chevaux. Expédition importante eu égard aux ressources limitées des nouvelles îles espagnoles; dérisoire si on la compare à ses conséquences, la soumission d'un immense empire au cœur de la région la plus peuplée de l'Amérique.
Après un séjour à l'île Cozumel, on part le 4 mars pour le continent et l'on pénètre dans la baie de Campeche. Le 12, on mouille près de la ville de Tabasco. Le lendemain, les mousquets viennent aisément à bout des gens du continent, et Cortés prend possession du pays. Le 25, terrifiés par des monstres inconnus, les chevaux et leurs cavaliers engoncés dans leur armure, les Indiens de Tabasco sont définitivement défaits et font leur soumission. Les conversions commencent aussitôt, la plus rentable étant celle de la belle Malintzin, qui devient  
Dona Marina et qui, plus encore qu'une tendre maîtresse, sera une très précieuse conseillère et interprète pour Cortés.

Les premières conquêtes.

Après un long voyage côtier, les Espagnols débarquent le 21 avril près d'une localité qui sera baptisée San Juan de Ulùa. Le gouverneur de la région accueille les visiteurs, mais ne se laisse pas trop impressionner par leurs merveilles techniques et leurs chevaux; il vante la grandeur de son maître, l'empereur Moctezuma. Pourtant, la confiance de ce dernier est rongée par une sombre prophétie, celle d'un dieu très vénéré, Quetzalcôatl : des conquérants venus de l'Est, barbus et à la peau blanche, détruiront l'Empire aztèque. Contre ces adversaires, l'empereur cherche d'abord à temporiser. De magnifiques présents sont offerts aux visiteurs indésirables, notamment un grand disque en or finement gravé, représentant le Soleil. Ces richesses attisent évidemment l'envie de Cortés d'aller plus avant dans ce pays : on touche peut-être, enfin, à ces contrées décrites par les anciens récits de voyages et dans lesquelles l'or pave les rues des cités...
Un premier obstacle vient des Espagnols eux-mêmes, des adversaires plus ou moins déclarés de Cortés. Avec habileté, ce dernier confirme son autorité en se faisant élire capitaine général d'un nouvel établissement espagnol, « Villa Rica de la Vera Cruz », à 80 km de l'actuelle Veracruz. Vis-à-vis des Indiens, il fait bientôt preuve, également, de son génie politique en soulevant la population d'une ville voisine, Cempoala, contre les collecteurs d'impôts de Moctezuma. Mais, par un double jeu machiavélique, il libère les fonctionnaires impériaux, ce qui pourra inciter Moctezuma à penser que les mystérieux visiteurs peuvent être des alliés contre les rebelles de la côte.

La montée vers Tenochtitlân.

Par son extraordinaire décision de «brûler» ses vaisseaux (en fait, ils sont simplement échoués et leur coque est percée), Cortés oblige enfin tout son monde à le suivre vers l'intérieur bon gré mal gré (16 août 1519). Après avoir quitté la « tierra caliente », à la végétation exubérante, on atteint les environs de Tlaxcala, cité réputée pour son hostilité latente au pouvoir central. Les 1er et 2 septembre, deux grandes batailles ont pourtant lieu contre les troupes de la région, qui sont décimées par la petite artillerie espagnole et dispersées par la science "militaire de soldats qui ont été à l'école de la plus fameuse armée du monde. Les gens de Tlaxcala doivent se soumettre; ils offrent même leur alliance, et les Espagnols leur donnent peu après l'occasion de noyer dans le sang une vieille rivalité avec les habitants de la ville de Cholula : des milliers de victimes innocentes sont le prix de la politique tortueuse de Cortés. Mais la voie de Tenochtitlàn, la capitale de l'Empire, est désormais ouverte. Cortés s'y lance le 1er novembre par une route déjà enneigée, au pied du Popocatepetl.
Pour tenter encore de l'arrêter, Moctezuma propose un tribut aux Espagnols s'ils consentent à cesser leur randonnée. Sans succès : une dernière embuscade, dirigée par le propre neveu de l'empereur, ne vient pas à bout de la résolution espagnole. Enfin, le 8 novembre, c'est la dernière étape vers la capitale, édifiée sur une lagune : on l'atteint par des digues de plus en plus larges. Moctezuma doit se résoudre à accueillir, très cérémonieusement, l'envahisseur, auquel il fait une sorte de soumission en l'assimilant au grand Quetzalcôatl.

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