MEDINET HABOU
Medinet Habou

Le « Château de millions d'années» de Ramsès III Les ruines et les monuments de Médinet Habou, dans la plaine de la rive gauche du Nil, en face de Louxor, sont peut-être les plus impressionnantes de la partie ouest de Thèbes.

Le site est l'un des premiers où s'est établi le culte d'Amon, à qui on avait érigé un temple au début de la XVIIIe dynastie. Par la suite, Ramsès III, le dernier grand pharaon égyptien (XXe dynastie), y avait fait construire son temple funéraire ou « Château de millions d'années », le plus grand qu'on connaisse. Le même souverain avait fait entourer d'une seule puissante muraille de brique ce temple funéraire et le temple d'Amon. Une ville s'était créée à cet endroit. Pendant quelques siècles, elle a été le siège du gouvernement de Thèbes et le centre de la vie économique. Elle était encore florissante au moment de la conquête arabe.

LÉGENDE.


Plan de Medinet Habou

Les temples:
1) Enceinte,
2) migdol,
3) chapelles des « épouses divines d'Amon.
4) temple d'Amon,
5) temple funéraire de Ramsès 3, 1er pylône,
6) première cour,
7) palais royal,
8) seconde cour vers le sanctuaire d'Amon.

VISITE.

Le temple funéraire de Ramsès III était relié au Nil par un canal, afin que les barques des proces- sions rituelles puissent y accéder pour les fêtes religieuses. Le quai de débarquement se trouvait devant l'entrée principale de la muraille dont nous venons de parler. Cette entrée, dont les ruines sont singulièrement imposantes, a été longtemps appe- lée « pavillon royal». C'est une tour carrée avec deux fenêtres, décorée de bas-reliefs, qui s'élève au-dessus d'une porte garnie de créneaux. En réalité, il s'agit d'une tour fortifiée ou migdol, ressemblant à celles des citadelles asiatiques. Ce roi guerrier avait voulu donner à l'enceinte de son temple funéraire l'allure d'une forteresse. Après avoir franchi la porte, on voit, sur la gauche, un double petit temple avec les chapelles funéraires des « épouses divines d'Amon» ou « adoratrices du dieu». Il s'agit en fait de deux petits monuments accolés. Celui de droite est dédié à Aménardis, fille d'un roi éthiopien (XXVe dynastie). Le triple sanctuaire de celui de gauche est dédié à Chepenoupet II, fille du roi Piankhi (petit sanctuaire central) ainsi qu'à la reine Mehe- tenousekhet, femme de Psammétique 1er et à sa fille Nitocris (petits sanctuaires latéraux).
Toujours après la porte, on trouve, sur la droite, les ruines de la partie la plus ancienne du temple d'Amon. Avec les agrandissements et les adjonctions postérieures apportées à sa partie avant, il a fini par franchir la muraille de Ramsès III pour s'étendre à l'extérieur. En progressant de l'entrée vers le sanctuaire, on franchit successivement une cour romaine qui s'achève par un portique, un pylône ptolémaïque, la colonnade de Nectanebo 1er, le pylône de Shabaka, usurpé par son successeur Taharqa, et, enfin, après une cour, le temple de la XVIIIe dynastie. Ce dernier a été construit principalement par Hatshepsout et Thoutmosis III. Ils y sont représentés en train de célébrer une cérémonie dans la cellule mortuaire qui précède un ensemble de chambres, au bout desquelles se trouve le sanctuaire.
Vu dans l'axe du migdol, le temple funéraire de Ramsès III se présente dans toute sa majesté. Il est justement considéré comme l'un des édifices les plus importants de l'architecture religieuse thébaine, aussi bien pour l'unité de sa construction que pour son plan, analogue à celui du Ramesseum qu'il a sans doute délibérément imité. Le premier pylône, coupé en deux par son portail, est un peu plus large que le rectangle formé par les cours et les salles qui le suivent. Aussitôt après ce pylône, la première cour est bordée sur la droite par une rangée de pilastres « osiriens » et sur la gauche par une colonnade, derrière laquelle on trouve, comme au Ramesseum, la façade du palais royal (aujourd'hui détruite) avec la « fenêtre des apparitions ». C'est à cette fenêtre que le souverain se présentait à la population enthousiaste. Le palais comprenait une salle d'audience avec des colonnes et une salle du trône.
Le second pylône constitue le fond de la première cour et donne accès à la seconde cour, plutôt bien conservée, bordée de portiques sur les quatre côtés et avec des pilastres « osiriens » sur deux seule- ment. Après la seconde cour,le mur extérieur du monument est intact, mais la distribution des locaux ne se reconnaît plus que sur le plan. On devine trois salles hypostyles qui se suivent, avec des chambres sur les côtés, et enfin trois sanc- tuaires accolés, celui du centre dédié à Amon, les deux autres à la déesse Mout et au dieu Khonsou. Les analogies entre le temple funéraire de Ramsès III et le Ramesseum de Ramsès Il (le premier souverain a considéré le second comme son mo- dèle) rendent nécessaires quelques considérations sur les liens qui unissaient la royauté et la religion en cette période du Nouvel Empire. Citons encore Barocas. « Si nous considérons un instant les travaux de Ramsès Il à Karnak et à Louqsor, les deux plus grands sanctuaires nationaux», nous remarquons que « malgré le caractère imposant et grandiose de leur construc- tion, cette solennité ne se retrouve pas dans les parties essentielles du temple». La cour et la salle hypostyle qui, à Karnak et à Louqsor, portent la marque des Ramessides, étaient « les endroits les moins secrets du sanctuaire. Certaines personnes, sinon toutes,yavaientaccès». Dans les bas-reliefs de Médinet Habou, « les sujets religieux prédomi- nent, mais on y trouve aussi des scènes de guerre qui illustrent les inscriptions de manière précieuse, car ces inscriptions sont tellement emphatiques qu'on a peine à suivre le récit encombré d'adulations » (Gardiner). Fait curieux, mais explicable, on trouve également Ramsès III assiégeant deux villes hittites et prenant d'assaut ou contraignant à se rendre d'autres villes d'Asie. Ces documents se réfèrent à des actions militaires qu'on doit attri- bueràRamsès Il. Selon Gardiner, ils seraient tout bonnement « copiés sur les originaux du règne » du pharaon précédent. Par ailleurs, les deux grandes scènes de la façade du premier pylône sont significatives. Chacun pouvait y voir Ramsès III sacrifiant des prisonniers de guerre devant Amon. Elles rappellent le triomphe du souverain qui avait arrêté la redoutable invasion des « Peuples de la mer ». Mais, alors que les prisonniers ont le type asiatique sur la partie droite du pylône, les cartouches parlent de peuples d'Afrique. C'est probablement là un autre cas de réutilisation des sujets de l'iconographie de l'époque précédente.
Sur toute la partie droite de l'extérieur du temple sont illustrées sept années de campagnes mili- taires. Le tableau le plus intéressant du point de vue historique est certainement la bataille navale que les égyptiens ont livrée contre les « Peuples de la mer». D'un côté le pharaon, coiffé de la couronne bleue, bande son arc pour tirer sur l'envahisseur; de l'autre, une mêlée furieuse en gage les équipages de neuf bateaux dans un combat acharné. Gardiner a traduit le récit de la phase finale de la rencontre: « On avait préparé un filet pour les prendre au piège. Ceux qui ont pénétré dans l'embouchure du fleuve y sont demeurés prisonniers.. À peine y sont-ils tombés qu'ils ont été embrochés sur place et leurs cadavres taillés en pièces. »
À l'ouest de Médinet Habou, le site de Birket Habou porte encore les traces d'une enceinte rectangulaire. C'est l'emplacement du lac d'un palais d'Aménophis III, peut-être de celui dont il est fait mention sur l'un de ses scarabées commémoratifs.
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