LITTERATURE RELIGIEUSE

Les textes funéraires sont les plus anciens, car les plus nécessaires : les longues colonnes d'hiéroglyphes sculptés sur les parois intérieures des pyramides des rois des Ve et VIe dynasties (2450 env. av. notre ère) comportent les formules, le récitatif qui permettront au souverain défunt de rejoindre pour un voyage, chaque jour renouvelé, dans un cycle éternel, son père le Soleil, Rê. Au début du Moyen Empire (XXIe siècle av. notre ère), le dieu Osiris (dieu agraire à l'origine, dont la passion qu'il a soufferte et la résurrection qu'il a subie évoquent le cycle de la nature) entraîne dans son sillage un nombre croissant de fidèles, qui, suivant son exemple, peuvent désormais revivre. Un nouveau rituel naît alors, qui n'est plus du seul apanage royal : sculpté sur les parois intérieures des sarcophages (cuves de pierre) abritant la momie, il demeure encore idéologiquement tributaire des conceptions antérieures, mais annonce déjà les grandes compositions funéraires du Nouvel Empire.

Les hymnes témoignent de l'existence ancienne d'un lyrisme poétique : la volonté fervente d'expression, faite d'images suggestives, peut dépasser les mots; l'élan de foi personnel, transcender la formule.

A partir de 1560 av. notre ère, en effet, près de chaque momie est glissé un papyrus, roulé et scellé, comportant incantations, prières, hymnes, tout le viatique verbal du défunt s'acheminant vers l'éternité; appelés par nous livres des morts, ces papyrus révèlent la grande richesse spirituelle d'une pensée religieuse évoluant depuis deux millénaires.

Il existe un grand nombre de textes funéraires utiles au défunt pour éviter les périls de l'Au-delà.

LIVRE DE L'AMDOUAT
Ce texte consiste, pour une bonne partie, en un répertoire, un véritable guide de voyage pour connaître le monde de l’au-delà pour l’arpenter sans crainte et pour en vaincre les périls. Il s’agit de connaître le monde de l’au-delà : dénombrer et nommer les êtres qui s’y trouvent, connaître ses portes et ses chemins, connaître les activités qui s’y déroulent, et les paroles que l’on y prononce. Fidèle à ce programme clairement énoncé: savoir nommer les dieux et l’espace, le texte déploie une litanie de neuf cent huit noms divins, égraine la nomenclature des étranges paysages qu’on y rencontre, détaille heure par heure le périple de la barque transportant le dieu solaire.

LIVRE DES RESPIRATIONS
ou le Shaï-en-sinsin date de la basse époque, généralement on considère qu’il a été rédigé à l’aide de matériaux bien plus anciens. Les nombreux exemplaires qu’on en a trouvés sont tous en écriture hiératique. Si l’on peut juger d’après les titres des défunts auxquels ils furent consacrés il était spécialement réservé aux prêtres d’Amon-Rê.

LIVRE DES MORTS

Au Moyen Empire, il était de coutume d'écrire sur le cercueil les textes funéraires qui étaient utiles au mort. Plus tard, depuis le début du Nouvel Empire, on déposait un papyrus pour le mort dans la tombe ou on l'insérait dans les bandelettes de la momie. Cet ensemble de formules et d'illustrations, fut appelé "Livre des Morts", et devint le document indispensable du défunt qui voulait "sortir au jour".

L'appellation « livre » prête à confusion, de même que la division en « chapitres» qui n'a été établie qu'au siècle dernier. Il s'agit, en réalité, d'un ensemble décousu de textes plus ou moins longs (6,5m de long sur 0,30 de large pour celui d'Ani) mais pourvus de titres. Il n'y a pas une suite bien établie pour la transmission des formules: les manuscrits du Livre des Morts qui nous sont parvenus ont des textes de longueurs très variables.

Certaines formules ont tant de succès qu'elles appartiennent obligatoirement au répertoire d'un manuscrit, d'autres viennent s'y ajouter et forment un tel ensemble qu'elles sont perçues comme une unité. Certains textes du Livre des Morts faisaient déjà partie des anciens Textes des Cercueils même si beaucoup d'éléments avaient changé, spécialement après le Nouvel Empire. Dans ces textes, il y a certainement beaucoup de sources d'erreurs, par le fait de la copie mais une grande part des changements dans les textes, en particulier dans le Livre des Morts, était voulue. Cela répondait à de nouvelles interprétations, à une autre compréhension, à de nouvelles questions. Cela se marque aussi souvent dans les titres des formules. Parfois, une contradiction apparaît entre le nouveau titre et le contenu de la formule. Les vignettes qui accompagnent les textes et qui commentent de façon imagée le texte ou le chapitre sont une innovation de cette époque.

L'ensemble de formules du Livre des Morts révèle une vision riche et variée de l'au-delà. « Sortir au jour » est un souhait souvent formulé par le défunt. Il peut être non seulement un titre caractéristique de quelques formules du Livre des Morts, mais aussi celui utilisé pour l'ensemble. Dans un cas, ce souhait est complété par une addition: « Formule pour sortir au jour et pour vivre après la mort ». Le défunt aimerait avoir sa tombe ouverte, aimerait bouger, pouvoir remonter, se régénérer. C'est déjà connu par les Textes des Cercueils. Dans ce contexte, le scarabée et le lotus sont aussi cités à côté d'autres déjà connus. L'idée du Ba en mouvement était un souhait régulier depuis les Textes des Cercueils, comme nous l'avons déjà mentionné.

De même, le Livre des Morts propose un matériel essentiel dont le Ka et l'ombre font partie. Pour celle-ci en tant que partie essentielle de l'individu, on demande le mouvement aussi par des prières à côté du Ba. Le nom joue aussi un rôle important ici; on voudrait s'en souvenir dans l'autre monde. Tout un ensemble de formules traite des soins à donner au mort si le cœur lui est enlevé, ce qui doit être évité si l'on veut une vie dans l'au-delà.

Pour écarter les dangers dans le monde souterrain, on utilise volontiers la magie. Toute une liste de formules doit, au besoin, assurer la défense par la magie. Des formules contre un crocodile ou contre des serpents jouent un rôle. Si l'on est obligé de séjourner dans les régions souterraines, on souhaite que ce soit au moins près d'Osiris. Cela peut être réalisé à Rosétaou. Là règne Osiris et il procure au défunt justifié tout ce qui est positif. C'est pourquoi le souhait du défunt est: « Fais-moi ouvrir le monde souterrain; ainsi j'entrerai dans Rosétaou et je franchirai les portes secrètes de l'Ouest. Alors, je recevrai un gâteau, une cruche de bière et un pain comme ces justifiés qui entrent et sortent à Rosétaou ». Dans cet ensemble de souhaits, on trouve aussi la « Formule pour entrer à Abydos et être dans la suite d'Osiris », là où la destinée du dieu se répète sous forme de drame, et le fait d'avoir été là est sanctionné par ce constat satisfaisant: « J'ai été jugé et innocenté; j'ai puissance sur mes ennemis; les actes qu'ils avaient commis contre moi sont passés. Ma force est ma protection. Je suis le fils d'Osiris. Mon père a protégé son corps contre ses ennemis ». Voilà le monde de l'au-delà selon le Livre des Morts. Il est à peine encore question de l'ancien souhait de séjourner au ciel. La participation à la course du soleil pour rajeunir apparaît cependant encore ici: « Je suis dans la barque et je dirige l'eau. Je suis dans la barque et je conduis le dieu », déclare le mort satisfait. Le thème de beaucoup de formules du Livre des Morts est de naviguer dans la barque et écarter d'elle les dangers, «afin d'éviter le banc de sable d'Apophis ». Nous devons encore parler du jugement du mort, un acte très important dans l'au-delà et qui ne s'exprime pas seulement ici.

CONFESSION NEGATIVE

Livre de Sortir au Jour (Livre des Morts). Chapitre CXXV. La confession négative

" Salut, dieu grand, seigneur de vérité et de justice,
Maître puissant ! Voici que j’arrive devant toi !
Laisse moi donc contempler ta rayonnante beauté !
Je connais ton non nom magique et ceux de quarante-deux divinités
Qui, dans la vaste salle de vérité-justice, t ‘entourent le jour où l’on fait le compte des péchés devant Osiris.
Le sang des pécheurs leur sert de nourriture.
Ton nom est : le Seigneur de l’ordre de l’univers dont les deux yeux sont les deux déesses sœurs.
Voici que j’apporte dans mon cœur la vérité et la justice, car j’en ai arraché tout le mal…
Je n’ai pas causé de souffrances aux hommes.
Je n’ai pas usé de violence contre ma parenté.
Je n’ai pas substitué l’injustice à la justice.
Je n’ai pas fréquenté les méchants.
Je n’ai pas commis de crimes.
Je n’ai pas fait travailler pour moi avec excès.
Je n’ai pas intrigué par ambition.
Je n’ai pas maltraité mes serviteurs.
Je n’ai pas blasphémé les dieux.
Je n’ai pas privé l’indigent de sa subsistance.
Je n’ai pas commis d’actes exécrés des dieux.
Je n’ai pas permis qu’un serviteur fut maltraité par son maître.
Je n’ai pas fait souffrir autrui.
Je n’ai pas provoqué de famine.
Je n’ai pas fait pleurer les hommes mes semblables.
Je n’ai pas tué ni ordonné de meurtre.
Je n’ai pas provoqué de maladies parmi les hommes.
Je n’ai pas dérobé les offrandes dans temples.
Je n’ai pas volé les pains des dieux.
Je n’ai pas dérobé les offrandes destinées aux esprits sanctifiés.
Je n’ai pas commis d’actions honteuses dans l’enceinte sacro-sainte des temples.
Je n’ai pas diminué la ration de l’offrande.
Je n’ai pas essayé d’augmenter mes domaines en usant de moyens illicites ni d’usurper les champs d’autrui.
Je n’ai pas manipulé les poids de la balance ni son fléau.
Je n’ai pas enlevé le lait à la bouche de l’enfant.
Je ne me suis pas emparé du bétail sur les prairies.
Je n’ai pas pris au piège la volaille destinée aux dieux.
Je n’ai pas pêché de poisson avec des cadavres de poissons.
Je n’ai pas obstrué les eaux au moment où elles devaient couler.
Je n’ai pas coupé les barrages établis sur les eaux courantes.
Je n’ai pas éteint la flamme d’un feu au moment où il devait brûler.
Je n’ai pas violé les règles sur les offrandes de viande.
Je n’ai pas pris possession du bétail appartenant aux temples des dieux.
Je n’ai empêché à un dieu de se manifester.
Je suis pur ! Je suis pur ! Je suis pur ! Je suis pur !
J’ai été purifié comme l’a été le grand phénix d’Héracléopolis.
Car je suis le seigneur des respirations qui donne la vie à tous les initiés.
Au jour solennel où l’œil d’Horus en présence du seigneur divin sur cette terre, culmine à Héliopolis.
Puisque j’ai vu culminer à Héliopolis l’œil d’Horus,
Puisse aucun mal ne m’arriver, ô dieux,
Ni dans votre salle de vérité-justice !
Car je connais le nom de ces dieux qui entourent Maât, la grande divinité de la vérité-justice."

 

 

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